Enfermée dans cette prison de poussière, Rangiku resta calme malgré tout, sachant pertinemment qu’elle aurait tout le temps de s’inquiéter plus tard. C’était l’entraînement ultime, celui qui la mènerait à posséder des techniques qu’elle n’aurait jamais rêvé avoir un jour. Concentrée, la shinigami s’ouvrit à toute information susceptible de l’aider à dompter son zanpakutô. L’atmosphère était devenue des plus lourdes, l’air étant chargé en particules de cendres dilapidé par Haineko. Il semblait déchainer… Telle une bête restée trop longtemps enfermé dans une cage, le zanpakutô exprimait une rage intense à travers des tourbillons de particules spirituelles, à travers des tornades de cendres voltigeant tout autour de la shinigami qui observa le spectacle d’un œil curieux. Jamais elle n’avait observé un tel comportement chez sa moitié. Bien que les rapports fussent tendus parfois, Rangiku et Haineko avaient trouvé un équilibre. Mais à présent, le chat des cendres se faisait violence, témoignant d’une fureur et d’une énergie jusque-là inconnues. Depuis qu’elle avait changé, Rangiku n’avait pas vraiment fait le point avec son zanpakutô… Petite erreur qu’elle allait devoir réparer avant de pouvoir entamer un entraînement plus profond.
- Je m’attendais à ce genre de réaction tu sais… Après tout, tu es l’expression de ce que j’ai au plus profond de moi. J’ai conscience que Yomaku m’a changé et je me demandais ce qu’il en était de toi… Je pense maintenant avoir la réponse à la question que je me posais.
Debout au milieu de la tempête qui se déchainait dans un périmètre d’une vingtaine de mètres de diamètre, Matsumoto murmurait à peine. Pourtant, sa voix portée par les courants d’air s’infiltrait dans chaques particules, parvenant à son zanpakutô qui stoppa immédiatement son petit manège. Les bourrasques prirent fins, les tornades s’évanouirent. Seul un grondement sourd provenant des immenses murs de poussières formant un périmètre établi par Haineko n’avait de cesse de bourdonner aux oreilles de la shinigami. Elle s’en accommodait, attendant patiemment la suite des évènements.
Un félin de cendres fit alors son apparition. Grand, ténébreux, puissant, il y avait en l’animal une majesté au-delà de tout soupçon. Ses yeux étaient animés par une flamme incessante, imperturbable, que seule la mort parviendrait à éteindre. A croiser son regard, Rangiku eut l’impression qu’une lance incandescente venait de lui transpercer la poitrine. Le coup fut aussi brutal que rapide. En une seconde, la douleur, le sentiment d’oppression et d’étouffement disparurent, rendant une pleine liberté d’action et de mouvement à la shinigami qui était assez perturbée par cette réaction de la part de son zanpakutô. Fronçant les sourcils, elle n’eut pas l’occasion de demander de plus amples explications, Haineko semblait avoir compris la question avant même qu’elle ne soit posée.
- Pourquoi hein ? Tu l’as très bien compris, ce que t’as infligé Yomaku a eu une répercussion directe sur ton monde intérieur, sur ta perception des choses… Et sur moi bien entendu. Nous nous savons différents, nous nous savons changé… Mais le plus perturbant est sans aucun doute de savoir qui tu as été sans comprendre comment tu as pu être cette personne. C’est ce paradoxe qui te fait défaut. Tes actions sont désormais dictées par ton instinct, par cette noirceur que t’as donné cet arrancar… Que nous a donné l’arrancar.
Prenant une pause, le félin commença à tourner autour de Rangiku, semblant la voir plus comme une proie que comme sa maîtresse.
- Tes remords sont la source de tout. C’est par eux que se nourrit cette haine grandissante que tu éprouves à chaque instant, mais je ne fais que te dire ce que tu sais déjà, bien sur. Pourtant, il y a un frein à ta colère… Tes souvenirs. C’est à cause d’eux que tu ne peux te résoudre à tuer Saiga Magoichi, alors qu’au plus profond de toi, ton désir le plus cher est de mettre fin à sa vie, ce qui scellerait de façon définitive ta victoire sur la Soul Society. Je suis la source de tes pouvoirs, je vis en toi, je ressens ce que tu ressens, je suis ton moteur. Mais dans ce monde dans lequel je vis, tes contradictions m’affectent, me détruisent. Sans t’en rendre compte, tu te sabotes toi-même… Je suis là pour mettre les points sur les i en quelque sorte. Tu ne pourras pas changer ce que tu es, tu ne peux revenir en arrière. Accepte une bonne fois pour toute et retourne auprès de ceux qui pourront également t’accepter ainsi. Oublie qui tu étais, c’est le passé. Nous sommes rage et violence, nous sommes colère et désespoir.
Peine perdu. Difficile de faire table rase d’un passé, surtout lorsque celui-ci renferme les souvenirs d’une amitié ayant été la base de toute une existence…
- Gin t’a trahi.
Ces mots eurent l’effet d’une bombe. Sans réfléchir, sans maitriser ses gestes, Rangiku empoigna son zanpakutô, frappant violemment en direction d’Haineko.
- Ne prononce plus jamais ce nom !
Nouvelle attaque qui se solda par un échec… Même si le félin ne bougeait aucunement, sitôt frappé en pleine tête il reprenait consistance… Tenter de tuer un être fait de cendres, c’était drôlement difficile, il fallait le dire.
- C’est lui la cause de tout ! Ta colère, ta haine, ton désespoir, ta reconnaissance, ta volonté de ne pas effacer ton passé, ta survie… il a été ton univers !
- Il a été bien plus !
La troisième tentative fut plus aboutie. Concentrant une plus forte énergie spirituelle dans son sabre, Rangiku infligea à son propre zanpakutô une fine entaille.
- Je… Je lui aurais donné beaucoup plus s’il n’avait pas été si stupide ! Je l’ai perdu il y a bien longtemps ! Si tu veux tout savoir, je le hais, je le déteste… Je… Je le tuerai ! Je détruirais mon passé pour construire mon futur ! Je les tuerai tous ! Unare, Haineko !
L’explosion de reiatsu fut sans précédent. Face à son zanpakutô, Rangiku dévoilait désormais des sentiments qu’aucune personne ne connaissait. Le cœur emplit de haine, elle projetait sur Haineko sa colère du moment, le menaçant avec un regard noir et une volonté de destruction au-delà de ce qu’elle avait pu montrer jusque-là. Dans un souffle, le félin disparut de la vision de Matsumoto, se désagrégeant en un nuage de cendres.
- Oui ! Sois agressive ! Tu ne me battras qu’en laissant exprimer tes émotions les plus fortes ! Dépasse-toi ! Montre-toi à la hauteur de ta haine !
Tout en encourageant la shinigami à se laisser dépasser par ses sentiments destructeurs, Haineko l’encercla, fusant vers elle à une vitesse avec laquelle elle ne pouvait rivaliser. Chaque particule touchant la jeune femme avait la même capacité qu’une lame, déchiquetant ses chairs, entamant son corps, faisant couler son sang. Les blessures étaient là, qu’elles soient physiques ou mentales, mais en cet instant, pour Matsumoto, rien ne compter à part le combat. Détruire son passé, ce qu’elle avait pu être pour se reconstruire une base faite d’énergie spirituelle hautement négative, c’était son but. Tous ceux qui avaient croisé sa route devraient se résigner à perdre la vie, shinigami, arrancar… Elle prendrait sa revanche d’une façon ou d’une autre, mais pour cela, elle devait obtenir le bankaï. Les échanges étaient violents, puissants… Rangiku rendait aussi bien qu’elle prenait. De nombreuses minutes passèrent sans que l’un des combattants en vienne à faiblir.
Nouvelle griffure. Laissant échapper un cri, la shinigami porta une main à son visage. Haineko venait de lui asséner un coup qu’elle n’était pas prête d’oublier. L’entaille était profonde, et le sang l’empêchait désormais de voir correctement ce qui l’entourait.
- Tu n’as pas besoin de voir. Ressens ce que je suis.
- Facile à dire pour toi, tu ne crains pas grand-chose ! Répliqua Matsumoto sur le ton de l’ironie alors qu’elle tentait tant bien que mal de nettoyer sa plaie.
Reprenant l’assaut vaillamment, la shinigami usa de toutes les techniques qu’elle avait pu apprendre en shikaï jusqu’à présent, mais chacune de ses tentatives se solda par un échec, Haineko n’étant pas du genre à se laisser avoir avec ses propres techniques. Usant sa maîtresse au corps à corps, Haineko sentait parfois l’énergie de Rangiku commençait à faiblir… Mais à chaque fois que cela arrivait, elle trouvait le moyen de rehausser son reiatsu, continuant de combattre avec la force et la même vigueur. Bientôt… Elle serait bientôt prête…
- Tout comme toi, à chaque instant, les visages de chaque shinigami que tu as pu croiser dans ta vie me reviennent en tête. Et ça me rend malade de voir leurs visages souriant, ça me donne la nausée de voir toute cette gentillesse aveugle. Ils ne savent pas… Ils ne comprendront jamais ce qui t’as poussé en arriver là. Et ils ne voudront jamais comprendre, car c’est le principe même du shinigami, de ne pas se poser les vrais questions ! Ta colère est mienne, elle sera ta force, et ensemble nous briserons à jamais ce passé qui t’empêche d’avancer !
Un grondement se fit entendre, beaucoup plus sourd que celui des murs de l’enceinte, beaucoup plus profond. Il faisait trembler le sol de façon inquiétante. Rangiku regarda autour d’elle, ne sachant pas vraiment quoi penser de cette nouvelle manifestation de son zanpakutô. Les cendres tournoyèrent autour d’elle, de plus en plus rapidement jusqu’à former une colonne d’environ deux mètres de diamètres, s’élevant au-delà de la cime du plus haut des arbres, au-delà des nuages. Abasourdie, elle ne comprit pas vraiment le but de cette manœuvre. N’allaient-ils plus combattre ? Certes elle était plus amochée, elle avait cependant encore de l’énergie à revendre ! Elle voulait le bankaï ! Elle voulait combattre !
Soudain, toutes les cendres se figèrent… Désappointée de voir une telle chose se produire, Rangiku héla Haineko une première fois… Puis une deuxième. Aucune réponse. C’était comme si le temps lui-même avait été stoppé. Pas vraiment confiante, elle tendit une main vers des particules restaient en suspension tout près d’elle, les effleurant délicatement… A ce contact, les particules commencèrent à rougir. Ce ne fut qu’une au départ… Puis deux, trois, dix, cent… Chacune des cendres commença à développer sa propre chaleur, rendant l’enceinte de la colonne brulante, insupportable pour quiconque pouvait être dedans. Furieuse du résultat, la shinigami somma son zanpakutô de stopper ça, suite à quoi elle envoya un coup de sabre contre la paroi faites de cendres incandescentes… Sans résultats.
- L’un de mes pouvoirs réside dans ma faculté de rendre leurs propriétés thermique à chacune des particules qui me composent. Et tu auras l’occasion de manier ce pouvoir. Cependant, tu t’en rends toi-même compte, tu n’es aucunement immunisée contre cela. Je vais te montrer Rangiku, jusqu’où peuvent aller tes capacités. Sois prête, voici ce pour quoi tu m’as fait apparaître.
Sans laisser le temps à la shinigami de dire ouf, la colonne s’effondra sur elle. Les cendres brûlante entrèrent en contact avec la peau de la jeune femme, mais alors qu’elle avait pensé souffrir comme jamais. Rangiku ne ressentait rien d’autre qu’une douce chaleur. Par réflexe, elle avait posé un genou à terre, se cachant le visage. Mais à présent que la peur de souffrir était passée, elle se releva, découvrant au même moment des habits qu’elle n’avait encore jamais vêtu. De couleur grise, un manteau lui couvrait l’ensemble du corps, tandis qu’une capuche lui enveloppait le visage, cachant ses yeux dans l’ombre de celle-ci. Ses bras portaient des protections renforcées, notamment aux niveaux des avant-bras, alors que ses mains étaient couvertes par des gants très particuliers, possédant à chaque extrémité des doigts une griffe dont la résistance était proportionnelle au reiatsu de la shinigami.
- Voici, Rangiku, ton bankaï. Si tu te sens capable de l’utiliser comme tel, alors je te protègerai de mes attaques. Ma force deviendra tienne. Nomme-moi !
- Karu to kuiarasu, Haineko !
La fusion des énergies de la shinigami et de son zanpakutô fut faite au moment même où Rangiku avait prononcé ces mots. Les cendres volèrent, incandescentes, brulant l’atmosphère ambiant. Cela dura dix secondes et puis tout disparut d’un coup d’un seul. Les tourbillons de feu se volatilisèrent, de même que la tenue très particulière de Rangiku. Les murs de poussière s’effondrèrent.
C’était désormais fini.
Regardant autour d’elle, elle aperçut Saiga. Ses nouveaux objectifs en tête, elle le regarda d’un œil mauvais… Pas encore, il allait surement servir à un moment donné. Elle patienterait donc… Mais comme tous les autres, un jour ou l’autre, il mourrait, et ce, de la main de Rangiku.