Road to Perdition

Cela faisait bien trois quarts d’heure… Trois quarts d’heure que Yomaku et Rangiku avaient pris la direction de Las Noches.

Au départ, l’arrancar était parti sur un rythme posé, décontracté qui convenait parfaitement à Rangiku. Mais quelques minutes plus tard, une fois que le champ de bataille où les affrontements avec les envahisseurs avaient eu lieu fut hors de vue, caché derrière une dune de sable, le cero accéléra brusquement, obligeant alors sa compagne de route à faire de même. Sur le coup, la shinigami ne se plaignit pas. Il fallait dire que finalement, ça l’arrangeait bien que la cadence s’accélère. Elle avait hâte d’arriver et n’avait désormais qu’une seule chose en tête... Les minutes défilèrent… Une demi-heure passa sans qu’aucune parole ne soit échangée.
Rangiku s’arrêta soudainement, faisant cesser le bruit des pas sur le sable. Le silence s’installa alors que devant elle se dessinait à l’horizon Las Noches. Clignant des paupières, elle contempla longuement l’édifice qui se présentait devant elle, et bien qu’elle en ait une vision réduite du fait de la distance, elle devinait le palais somptueux… Immense… Démesuré… A l’image de son créateur, Aizen.

« Las Noches… » Murmura-t-elle alors qu’elle fixait le dôme immense qui recouvrait les murs de la forteresse.

« Impressionnant… Je n’aurais jamais cru que ça puisse être ainsi… Mais en fait, c’est idiot… A quoi devais-je m’attendre de la part de Aizen ? » Finit-elle avec un petit rire forcée, comme pour se moquer d’elle-même et de sa bêtise.

Quelques secondes plus tard, elle dévia son regard pour le poser sur celui de Yomaku, lui indiquant qu’ils pouvaient repartir. Et qu’il soit mécontent de cet arrêt impromptu ou pas, elle n’en avait que faire, d’abord !
Les minutes passèrent, le silence avait repris sa place et les deux entités spirituelles avaient repris leur course.
Si la première demi-heure, Rangiku avait passé son temps à fixer la nuque de Yomaku dans l’espoir vain de trouver des réponses sur ce curieux personnage, son regard était désormais focalisé sur le palais de Las Noches. Dans ce lieu se trouvaient peut-être certaines réponses… ou pas. Le flot d’incertitude qui se répandait continuellement dans l’esprit de Rangiku donna à la shinigami une énergie renouvelée… La vice-capitaine avait hâte de se libérer de ses doutes et de cette perpétuelle inquiétude concernant cette vérité qu’elle recherchait. Et si, finalement, elle découvrait quelque chose à laquelle elle n’était pas préparée ? Cette idée lui déplaisait énormément… Mais elle était là désormais, à traverser le désert pour arriver à ses fins.

Trois quarts d’heure s’étaient désormais écoulés depuis qu’ils avaient quitté les envahisseurs et rompant une nouvelle fois le silence, Rangiku fit une remarque concernant Las Noches.

« Bon sang, plus on avance, plus on a l’impression qu’il s’éloigne… »

Impression. C’était le terme exact à employer parce que finalement, quinze minutes plus tard, ils arrivèrent devant les murs gigantesques qui protégeaient les occupants du palais d’éventuels ennemis. A présent, la gradé du Goteï pouvait admirer l’impressionnante structure du palais comme bon lui semble. Avançant lentement, elle posa une main sur le rempart qui délimitait Las Noches du désert.

« Bon… Et comment on y rentre ? » Fit-elle en se tournant vers son interlocuteur.

Parce que c’était bien beau de construire des trucs gigantesques, mais encore fallait-il prévoir une entrée ! Et pour le coup, Rangiku avait beau chercher, elle ne voyait rien qui puisse faire office de porte…

La réponse à sa question ne tarda pas. En vérité, elle lui fut même montrée… Yomaku, qui n’avait dit mot jusque-là resta silencieux, ne se contentant que d’un geste qui eut pour effet d’ouvrir une ouverture sphérique dans le mur. Rangiku pénétra à l’intérieur sous l’invitation de l’arrancar, qui passa en dernier pour refermer la « porte ». La voilà donc à Las Noches. Jetant un coup d’œil autour d’elle, la vice-capitaine contempla cette première pièce. Inquiétante. Ce fut la première impression de la shinigami… Etait-ce dû à la hauteur des murs qui donnaient un sentiment de petitesse, voir de faiblesse ? Ou bien à cette froideur qu’exprimait le design des lieux ? Surement un tout. L’impersonnalité régnait en maître et la plus petite parcelle de surface révélait la volonté du créateur de cet endroit à vouloir mettre mal à l’aise quiconque pouvait pénétrer dans l’enceinte du Palais.

*Hé ben c’est réussi…* Pensa Rangiku alors que Yomaku prit soudainement la parole.

Tiens, il parlait lui maintenant ? Matsumoto se tourna vers l’arrancar, celui-ci lui expliquant le programme de la visite en avertissant au passage de la difficulté à se repérer… Bah, de toute façon, la shinigami n’avait aucunement l’intention de quitter l’espada, elle avait mieux à faire que de s’amuser à vaquer ci et là au risque de se paumer. Néanmoins, elle lui fit comprendre par un petit signe de la tête qu’elle avait compris le message, et qu’elle ferait selon cette demande… N’empêche, pour se paumer six fois… Ce type se serait bien entendu avec la vice-capitaine Yachiru, qui avait la curieuse habitude de se perdre même à moins de dix mètres de sa capitainerie. Sur le coup, Rangiku se demanda si, comme la petite fille aux cheveux roses, en donnant des bonbons à Yomaku, il serait plus… sympathique. L’idée germa, et malgré elle, Rangiku ne put s’empêcher de sourire à cette pensée… Sourire qui s’effaça très vite au moment où les yeux bleus de Matsumoto rencontrèrent ceux de l’espada… Mouais, non, c’était une très mauvaise idée… Et s’il le faut, il n’aimait pas les bonbons.

Ainsi donc, les voilà partis dans les dédales du palais. Plusieurs minutes s’écoulèrent, quand soudain, Rangiku fut surprise… Stupéfaite… Époustouflée même ! Yomaku… sifflait !! N’en croyant pas ses oreilles, la shinigami regarda derrière elle pour savoir si une autre personne ne les suivait pas. Mais non, c’était bien le Cero ! Matsumoto trouva très étrange de voir son accompagnateur pousser la chansonnette à un moment pareil. Pourtant, elle se sentit un peu plus… détendue. Sensation en complète opposition avec les questions et les doutes qui n’avaient cessé d’assaillir son esprit depuis qu’elle avait quitté Karakura. Mais qu’importe à présent, toutes ces incertitudes seraient bientôt balayées… A mesure qu’ils avançaient dans le bâtiment, elle en avait l’étrange conviction… Elle y croyait.

Finalement, ils arrivèrent devant un escalier. Là, Yomaku se décala pour laisser Rangiku passer devant. Après un instant d’hésitation, elle consentit à passer devant, pas non plus très rassurée de ne plus avoir l’œil sur l’arrancar. Pourtant, l’ascension des innombrables marches se fit sans accrocs. Arrivée en haut, Matsumoto s’arrêta net (laissant cependant la place pour que Yomaku reprenne les devants), contemplant le ciel de Las Noches, abasourdi de constater que les ténèbres avaient fait place à la lumière, que la nuit avait fait place au jour... La lune avait disparu.

« Wouah, Aizen ne faisait pas les choses à moitié… » Murmura Rangiku pour elle-même.

Soudain, elle se rendit compte que Yomaku, peu intéressé par le ciel bleu-azur avait tracé sa route, sans attendre la shinigami. D’un bon pas, celle-ci le rejoignit alors qu’il ouvrait la porte d’une tour. Matsumoto fut une nouvelle fois confrontée au « délice » de monter les marches d’un escalier… Ahlala, si seulement Aizen avait pu inventer l’ascenseur ! Décidément, la Soul Society avait l’avantage de vivre au raz des pâquerettes, ce qui évitait bien entendu des efforts inutiles. La vice-capitaine soupira et entama la montée. Mais comme dit le proverbe, après l’effort, le réconfort ! Et celui-ci arriva lorsque Yomaku poussa la porte qui permettait d’accéder dans la salle de commande.
Pénétrant dans celle-ci, Matsumoto prit le temps d’observer ce nouvel environnement. Des écrans, des panneaux de contrôles s’étalaient sur toute la longueur de la pièce, en face desquels trônaient des fauteuils qui avaient l’air plutôt confortables. Une table relativement banale se tenait du côté gauche, sous laquelle étaient rangés quatre chaises.

La shinigami avança jusqu’aux écrans alors que Yomaku, de son côté, semblait ne pas vouloir prendre part aux investigations de son invité, précisant par ailleurs qu’il n’y connaissait rien aux machines. Mais… mais elle n’y connaissait rien non plus ! Matsumoto n’était pas vraiment le genre à squatter à la douzième division et à discuter technologie avec les gars qui travaillaient sous les ordres du Capitaine Kurotsuchi. Concentrée sur les tonnes de boutons plaçaient ci et là du panneau de contrôle, Rangiku avança une main pas très assurée vers l’un d’entre eux… Elle avait appris, lors de sa colocation avec Inoue, à se servir d’une télévision… Donc pour allumer un écran, à moins que celui qui avait construit cet endroit soit complètement idiot, il était logique que ça soit à peu près le même fonctionnement.
Elle appuya… Et fut très étonnée de voir que l’écran s’était allumé. Youhou ! Victory ! Elle fit de même avec les autres et contempla les séries d’images apparues devant elle.

« Salle de commande, hum ? Ca ressemble plus à une salle de surveillance… »

En disant cela, Rangiku appuya par inadvertance sur une autre commande…

« Ah, merde… »

Aussitôt, elle put observer les effets et les conséquences de son geste. Sur l’écran central, un message apparut, spécifiant alors que « La configuration 3 des lieux avait été sélectionnée, souhaitez-vous confirmer la demande ? ». Configuration ? Des lieux ? Matsumoto resta perplexe devant ce message. Etait-il possible de changer à volonté la disposition de Las Noches ? En y pensant, il était peu probable que ces tours ou l’enceinte même du palais puissent être déplacées. Peut-être alors simplement des salles ou des couloirs ?
Dans ce cas, cela expliquait le nom « salle de commande ».

N’osant plus trop approcher l’appareil, Rangiku le laissa en plan et se recula de deux pas, les yeux toujours rivés sur le message qu’affichait l’écran. Elle comprenait pourquoi Gin avait passé du temps ici. Enfin, du moins, elle essayait. Ichimaru Gin… Un homme qu’elle avait côtoyé toute sa vie. Un homme qu’elle connaissait par cœur…
Non, elle n’était pas surprise de savoir que l’ex-capitaine avait passé du temps dans cette salle, parce que finalement, cela lui ressemblait bien.
Contrôler les lieux ? S’assurer qu’aucun incident n’arrive ? Peu probable. Le shinigami n’était pas du genre à perdre son temps dans une surveillance accrue. Pourtant, s’il passait du temps dans cet endroit c’était bien pour une raison ! Raison que ne tarda pas à comprendre Rangiku. L’amusement était la clé.
Car effectivement, il pouvait être très distrayant de saboter la configuration des lieux au moment même où d’autres empruntaient les couloirs. Cette pensée envers son ami d’enfance vint tout à fait naturellement, comme si c’était une évidence à ses yeux. Il n’avait dû se servir de cette salle que par amusement… Du moins, ce fut la réflexion de Rangiku en se basant sur sa connaissance du personnage.

Matsumoto ferma les yeux. Outre ces multitudes de commandes, il n’y avait rien.
Elle pouvait donner son explication concernant le fait que le « traitre » passait du temps dans la pièce, mais ce n’était pas ce « passe-temps » qui expliquait ce changement de camp, cette trahison et cette volonté de suivre un homme jusqu’au Hueco Mundo.

« Bon… Comment on fait pour éteindre ce truc ? »

Préférant ne pas étaler ses états d’âmes ni même sa petite déception (car oui, elle s’était attendue à trouver un peu plus dans une salle que Gin « affectionnait »), la vice-capitaine opta pour une conversation légère avec Yomaku… Désignant l’appareil qui inscrivait toujours le même message par sa faute, elle posa dans un second temps une autre question.

« Est-ce que j’ai tort en pensant que la fonction de cette pièce est de reprogrammer certains passages ? Parce que si j’ai raison… Je ne suis pas surprise d’apprendre que Gin venait souvent ici… »

Sans en dire plus, elle se tourna vers la porte…

« J’ai fini ici… »