(flashback) Entraînement [PV Starrk]

Ouvrir les yeux sur sa condition c'est comme tendre la joue pour recevoir une baffe. C'est vrai en tant qu'habitant du Hueco Mundo, encore plus en tant qu'Arrancar. Lorsque je me tournais vers le fond de mon être, je ne voyais qu'un mystère béant. Je ne savais pas si le lien qui m'unissait à Starrk pouvait effacer toute trace de solitude dans mon âme. C'était ce doute qui m'effrayait autant qu'il m'irritait. Ne pas savoir a quelque chose de profondément exaspérant. C'est comme une gangrène, invisible, qui plane à l'extrême limite de l'esprit, qui le nargue ! On peut tirer la langue à Starrk, mais on ne peut pas faire grand-chose pour se battre contre ses propres questions. Et j'ai compris depuis longtemps que lorsqu'on ne peut pas faire quelque chose soi-même, il faut demander à quelqu'un d'autre.

- Starrk ! Mais où est-ce que tu es passé, encore ? Starrk ! Réveille-toi ! Viens ici, tout de suite, j'ai besoin de...

Je me mordis les lèvres. Non, il fallait formuler ça autrement. Je n'avais pas besoin de lui. Ca m'arrangeait simplement qu'il soit disponible. Mais comment l'énoncer de manière simple, et non alambiquée ?

- Je voudrais te dire quelque chose ! Allez, ça suffit, tu as assez dormi ! Starrk !
- Tu vas réveiller tout Las Noches, Lilynette.

Je fis un bond en avant lorsque la voix pâteuse du Primera se glissa dans mon oreille. Je dardais sur lui un regard furibond après m'être retournée, calmant les envies meurtrières qui venaient de pointer dans mon ventre. Si je le frappais maintenant, il ne répondrait pas à mes questions. Il se contenterait de me mettre ma raclée et de retourner dormir.

- Réveiller tout Las Noches ? Mais il n'y a que toi qui dort ici, imbécile ! Est-ce que tu as déjà vu un Arrancar dormir ?
- Je ne dors pas vraiment, je sommeille.
- Oh ! Voyez-vous ça ! Tu sommeilles ? Mais tu es complètement cinglé ! Tu me prends pour une...

Il lâcha un soupir. Je reconnus ce soupir. Starrk avait une manière très particulière de communiquer ses véritables émotions. Il le faisait en silence. Et pourtant, on peut donner une tonalité au silence. L'Espada était passé maître dans ce domaine, et j'apprenais à son contact. J'avais toujours appris. Hors, en cet instant, cette exhalaison singulière, ce souffle discret, m'avait interrompu beaucoup plus sûrement que s'il m'avait hurlé de me taire. Avec Starrk, se battre, sous quelque forme que pusse avoir la lutte, était toujours vital. Se battre, parce que pour se battre il faut être deux. Seul, on ne fait jamais que se débattre dans ses propres tourments, dans ses cauchemars intimes. C'était pour ça que j'étais venu le voir, après tout. Je réalisais que nous ne restions jamais éloignés l'un de l'autre très longtemps, toujours regagnés par notre solitude sitôt qu'on lui prêtait le flanc.
Là, par ce soupir particulier, défait, Starrk ne se battait plus. Il succombait à sa torpeur ennuyée. C'est pourquoi je me tus. Il n'y avait rien que me blessait davantage, qui me tétanisait autant, que ses abandons subits et heureusement brefs. Car je ne savais jamais dans quelle mesure ça indiquait que je n'importais plus à ses yeux. C'aurait été comme perdre le sens intrinsèque de mon existence. Non, c'était exactement ça. Perdre ma valeur pour lui, c'était la mort assurée. Solitude, délaissement... Tant de choses nous menaçaient tous deux. Au fond, notre couple tenait de l'instinct de survie. Un sentiment, je m'en rendais compte avec un certain agacement, très humain.

- Quoi ? fit-il en arquant un sourcil. Qu'y a-t-il ? Je n'ai rien dit.

Je le considérais en silence. Je suppose que mon mutisme le déstabilisait autant que je l'étais moi-même.

- Starrk. Tu te souviens quand on s'est vu ? Tout nous est possible à présent, allons n'importe où, tant que l'on reste ensemble...

Il battit des paupières, signe de surprise. Ce léger abattement dans le gris de ses yeux s'était volatilisé. Je n'y lisais plus qu'une affection grave, solide et sincère.

- Jusqu'à la toute fin, compléta-t-il. Ca ne te ressemble pas de faire autant de cérémonie, Lilynette. Que se passe-t-il ?
- Je ne suis pas idiote. Aizen veut aller à la Dimension Royale. Je ne sais pas ce que c'est, mais je sais qu'il y aura plus de périls là-bas que nous n'en avons affrontés par le passé. La toute fin, Starrk...

Ma voix trembla légèrement, suscitant une vive colère à mon égard. Je serrais fugitivement mes poings, plissant les yeux de résolution.

- La toute fin, tu me promets que ce n'est qu'à ce moment-là qu'on se séparera, hein ? lançai-je d'un ton que j'aurai voulu nonchalant. Il ne le fut qu'à moitié.
- Lilynette.

Il plia les genoux dans un bruissement familier de vêtements. Sa main gantée se posa paternellement sur mon masque, et je me raidis comme habituellement à ce contact. Cette réaction n'a rien à voir avec la crispation qu'on peut avoir en anticipant un choc ou un coup. Elle se rapproche plus d'une grande inspiration avant de plonger sous l'eau. Une eau très symbolique, rassurante, originelle.
Lorsqu'il prenait cette posture, Starrk ajoutait à son propos le poids de son regard. Il était capable d'y faire transparaître sa sincérité comme l'écume sur la grève.

- Nous serons ensemble jusqu'à la toute fin. Et lorsqu'elle surviendra, nous partirons ensemble. Rien ne nous séparera, jamais rien.

Cela ne dura qu'une seconde, mais pour moi cette seconde comptait beaucoup. Elle faisait partie de ces moments privilégiés que je partageais avec le Primera et auxquels nul autre ne pouvait prétendre. Cette idée de Fraccion était imparfaite dans notre cas, bancale même. Elle cherchait à décrire quelque chose qu'on ne pouvait guère discerner d'un oeil extérieur.

- Je me demande bien quelle bêtise t'as encore trotté dans la tête, poursuivit-il en se détournant, étouffant un bâillement sonore et esquissant un geste moqueur de la main. Aussitôt, je crissais des dents, muant toute cette affection dégoulinante en rancoeur acide.
- Quoi ? Tu te payes ma tête en prime ? Mais je ne rêve pas !

Je me précipitais en avant pour décocher un magistral coup de pied au derrière narquois de l'Espada. Sans guère de résultat, manifestement, ma victime se contentant de poursuivre sa route tranquille. J'affichais un rictus retors.

- Ah c'est comme ça, hein ? susurrai-je d'une voix bien trop douce et mielleuse. Tu penses que tu vas t'en tirer la fleur au fusil, aller roupiller comme s de rien n'étais ? Je pris une inspiration profonde, me secouant mentalement.
Juste avant de vociférer...

- CEROO !

La masse verte et fuligineuse jaillit en avant, baignant le corridor d'un halo surnaturel. Starrk se mit de côté, impassible, poing fermé en direction du rayon déformé qui se tordait dans sa direction. Au dernier moment, il se fendit d'une pichenette. L'énergie se convulsa sous la réplique à la manière d'un animal touché à mort, avant de s'éclipser brutalement, élimé en lambeaux inoffensifs. Un demi-sourire étira ses lèvres et il m'adresse un clin d'oeil goguenard.

- Staark ! Je te déteste ! Je te déteste ! Je te déteste !
- Puisque tu sais qu'Aizen va bientôt aller à la Dimension Royale, tu devines aussi qu'on va l'accompagner. Tu ferais mieux de travailler ce genre de... Ah, je n'ose même pas lui donner le nom de Cero. Non, vraiment, fais un effort et appliques-toi la prochaine fois, d'accord ?

Je n'arrivais même pas à lui en vouloir. Enfin, à lui en vouloir davantage que je n'avais envie de lui rendre son sourire. Je lui en offris donc un, vaguement penaud, chargé de toute la complexité qui émanait de notre lien.

Quel bon compagnon ce Morphée. Si cette divinité existait, elle deviendrait sans nulle doute le meilleur ami de Starrk. Vous imaginez? Un "ami" qui vous endort en quelques secondes, n'importe où, dans n'importe quelles circonstances. A dire vrai, c'est tout le contraire de Lilynette. Ah... Si seulement elle pouvait prendre exemple sur cet être qui pousse au sommeil et non au réveil, beaucoup de choses changeraient, quoique, une seule chose changerait, car un Starrk endormi est un Starrk heureux! Mais que fait Starrk lorsqu'il dort? Ce n'est pas l'idée de rêver, d'avoir la prétention de pouvoir observer le monde parfait que personne d'autre ne peut voir qui le pousse au sommeil, non, lorsqu'il "dort" ou "sommeille", il s'écarte du monde, de son passé, de ses problèmes. Le seul point négatif, c'est qu'il se retrouve à nouveau seul, il préfèrerait que sa petite Fraccion préférée et lui restent "connectés" lorsqu'ils dorment, pour partager les mêmes sensations, et rester ensemble. Il s'est déjà demandé si le fait de dormir provoquait chez Lilynette un sentiment de peur et de solitude. On se sent seul lorsque tout le monde dort sauf nous, pas physiquement bien sûr... Starrk suppose qu'avec le temps, elle s'est faite une raison, comme tout le monde. Lorsqu'on est seul, on se trouve facilement une raison, une excuse pour rester seul, on se dit qu'on le mérite, ou que c'est la vie, et ce n'est pas du tout dans un sens péjoratif, mais... Si on ne le fait pas, c'est la tristesse, l'incompréhension, on se pose des tas de questions qui restent sans réponses et nous submergent. Rester impassible ou mourir étouffer par ses sentiments...

Le pauvre Starrk se réveilla sous les hurlements quotidiens de Lilynette. Ce petit être susceptible n'en était pas à sa première fois, mais le Primera l'avoue, sans elle... Quel sens aurait-il donné à sa vie? C'est sa raison de vivre, rien de plus, et on ne peut pas être plus haut sur l'échelle d'importance. Il se leva, et là une petite conversation eut lieue entre les deux protagonistes. Elle semblait préoccupée, elle laisse paraitre des sentiments... D'attachement et de peur. Elle est effrayée à l'idée de le perdre et que tout se termine, qu'on arrive à la fin de leur histoire. Starrk la rassure de façon paternelle, ce qui est suffisant pour elle. Mais comme à leurs habitudes, la trêve ne dure pas longtemps, en effet la guerre éclate de nouveau, mais en pire... Maitre Starrk sur ses jambes perché, sorti de sa bouche une remarque, maitre Lilynette se sentant offensée, lui tint à peu près... Cette attaque:

- Cero!

On se demande qui est le plus à plaindre, Starrk qui va recevoir ce "cero" ou Lilynette qui a envoyé cette chose qui n'est pas digne d'un "cero". Le Primera l'arrêta avec une énorme facilité, enfin, c'est à ce demander si l'attaque ne s'est pas arrêtée toute seule. La honte d'exister surement? Non, c'est méchant de dire ça... Mais il faut ouvrir les yeux, avec ce genre d'attaque, elle ne survivra pas dans la Dimension Royale. Et Starrk ne serait pas un bon Espada s'il n'aidait pas sa Fraccion à devenir plus forte. Après lui avoir fait la leçon, elle lui sourit légèrement, il la regarda durant quelques secondes, et rajouta:

- Lilynette, tu te laisses trop emporter par tes sentiments...

Il a raison, et elle le sait, mais ne le montre pas, et encore une fois, la petite Fraccion s'apprêta à lui renvoyer un autre, pour lui montrer qu'il a tort, comme d'habitude, c'est quelque chose qu'on ne pourra jamais lui enlever, sa susceptibilité... Il ne lui faut qu'une seconde, elle n'a pas le temps de remarquer ce qu'il lui arrive, en deux sonido, elle est prise par la taille et, tout deux, se retrouvent à l'extérieur de Las Noches, très loin, sur l'une des hautes dunes de sable qui tapissent ce désert infini. Il la repose doucement et lui dit:

- Bien, ici on sera tranquille...

Il prit un air sérieux, et lui dit, tout aussi sérieusement:

- Tu t'emportes de trop lorsque tu te bats, concentre tout ton reiatsu en un point, et focalise toi dessus. Une fois que tu auras la technique, tu...

Il n'a pas le temps de finir sa phrase, que la jeune fille sauta dans les airs, et lui donna un coup de poing sur le haut du crâne en retombant. Le pauvre Primera se tenait la tête et fit une grosse grimace. La petite Fraccion semblait fière de son attaque, elle dit, enfin, elle crie:

- Je sais comment faire un Cero, baka! Moi je ne suis pas une Espada et j'ai un peu plus de mal, c'est tout!

Elle lui tourna le dos, et croisa les bras en fermant les yeux, et prit son air arrogant en changeant le ton de sa voix, plus calme:

- Tu ne sais juste pas reconnaitre que je fais de beaux cero...

Sur ces mots, elle entendit du reiatsu se concentrer derrière elle, et tout le sable autour d'elle se coloria en un beau bleu, seul le sable devant elle devenait noir à cause de son ombre. Elle comprit rapidement, lorsqu'elle se retourna, elle l'a vu, le Cero du Primera Espada qui se concentrait devant son torse... Dans sa direction! Lilynette ne demanda pas son reste et fit un bond sur le côté. Starrk résuma la situation en un mot: "Cero", un puissant cero s'échappa de son torse et créa une longue et profonde brèche dans le désert blanc. La fraccion posa à peine le pied à terre qu'elle s'apprêtait à hurler, mais Starrk la prit de court et recommenca dans sa direction: "-Cero" Un autre cero est envoyé dans sa direction, mais cette fois-ci le Primera a attendu qu'elle parte avant de le lancer, car celui là, elle n'aurait pas pu l'éviter à cause de sa rapidité.

Lilynette hurla vers lui, comme elle n'avait jamais hurlé auparavant:

- Espèce d'imbécile, t'auras pu me tuer!

Starrk regarda au dessus de la tête de Lilynette, comme s'il l'ignorait:

- Regarde, le premier est comme toi tu le fais, le second, est un cero bien fait.

La petite Arrancar se retourna, et son visage se décomposa presque. A droite, une longue fissure qui se remplissait de sable petit à petit, certes c'est impressionnant, mais comparée à celui de gauche... Le second est une énorme déchirure dans le sable, la terre est littéralement coupé en deux, le sable à cet endroit s'est sublimé. Elle est si importante que l'on peut apercevoir la forêt de Menos. En parlant d'eux, leur hurlement remonte le long de la faille, suivit d'un bruit de décomposition spirituelle. En entendant ces Menos mourir par sa faute, Starrk serra le poing, puis souffla un peu et reprit son calme, il dit à Lilynette:

- Concentre ton cero en un point, et mets y toute la puissance que tu peux... Être puissant ne suffit pas, la force ne sert à rien si on ne sait pas s'en servir, un Hollow plus faible qui sait se battre est dangereux.

La jeune fille baissa un peu les yeux par honte, elle est têtue, mais lorsqu'on lui montre la réalité, elle en prend conscience, elle n'est pas aussi immature qu'on veut le croire, mais personne ne prend la peine de le voir à part lui...

Starrk était fier. Sa petite Fraccion a enfin trouvé la bonne technique pour faire de puissants cero. Certes, elle est encore loin de son niveau, mais peut-être un jour... Qui sait ce que l'avenir nous réserve, n'est-ce pas? Lorsque les gens sont fier, soit ils se contentent de le montrer, soit ils offrent à leur "protégé" un cadeau, ce que Starrk ne fera pas, ce n'est pas dans sa nature d'offrir ou d'être généreux. Il peut protéger les gens plus faibles, enfin, protéger... Il s'approcherait à peine qu'ils disparaitraient, ce qui fait de Starrk la principale menace sans nécessairement le vouloir. Il va lui montrer avec son éternelle façon paternelle sa fierté envers elle. Il se mit à faire quelques pas vers elle, se pencha un peu, déposa sa main droite sur la tête de Lilynette et lui adressa un léger sourire. Ils restèrent dans cette position, sans bouger, durant quelques secondes, le temps nécessaire au léger voile de sable déplacé pas ses pieds de retomber sur le sol et se mêler à leur jumeaux. Passé ce délais, il se redressa, retira sa main, son visage reprit son air habituel. Maintenant qu'elle a trouvé sa propre technique, elle devait s'entrainer encore et encore, pour la maitriser et ne plus faire d'erreurs qui pourraient être fatale aussi bien pour elle que pour Starrk.

Bon, réunion au sommet... Comme beaucoup de monde, sa colère est sa force. Elle est plus colérique que d'autres, elle devrait pouvoir être plus forte. Mais il n'y a pas que ça, elle doit avoir quelque chose en plus qui la pousse à être plus forte. L'instinct de survie? Non, l'instinct de leur survie est plus plausible. Il lui dit calmement:

- Tu devras encore t'améliorer, je veux que tu recommences à m'envoyer des ceros, de plus en plus puissant et de plus en plus rapide, fais de moi ton ennemi, ne repense plus au passé et frappe, c'est pour nous que tu dois le faire.

Il va devoir la provoquer, la pousser au meurtre, la pousser à le haïr, lui montrer qu'elle peut le haïr cette fois, pour eux... Il est conscient qu'elle ne pourra pas le faire seule, elle en est incapable, elle est bien trop attachée à lui pour lui faire ou penser du mal. Le lui dire ne servirait à rien, la menacer non plus, et lorsque la menace ne fonctionne plus, il faut passer à l'acte. Starrk doit faire le premier pas, histoire de donner une raison à sa Fraccion de libérer son pouvoir, même s'il faudrait qu'elle le haïsse jusqu'à la mort pour qu'elle soit à son paroxysme, chose impossible...

En une seconde, il saisit sa Fraccion par le bras. Celle-ci le regarde, l'air interrogée. Il lui adressa un regard triste, elle, son regard se changea en peur. La peur, ce sentiment qui nous mène à utiliser nos forces les plus profondes. La peur de perdre un être cher, la peur de rater quelque chose, la peur d'être inutile aux yeux du monde. C'est la première fois qu'ils ressentent ça, l'un chez l'autre. En un geste, il la lança dans les airs, loin. La pauvre petite Fraccion hurlait presque, mais Starrk n'a pas fait ça pour la blesser, et il sait bien que ça ne lui fera rien, c'est juste pour l'énerver. Starrk cria vers elle:

- Utilise ton cero sur moi!

La Fraccion s'exécuta. Une boule d'énergie grossit devant son oeil gauche, son oeil d'Hollow, et en quelques secondes, un halo vert lumineux descendit du ciel vers Starrk. Celui-ci était plus fort que le précédent, mais encore trop lent. Le Primera l'évita sans trop de difficulté. Ce cero tomba juste à côté de lui, il déplaça une quantité de sable impressionnante. La force commençait à surgir du tréfonds de son âme, elle y mettait toute sa ardeur dans ce cero, mais ça ne suffisait pas encore à Starrk. Le Primera fonça vers sa Fraccion préférée, et s'arrêta devant elle. Les deux flottaient dans les airs, l'un en face de l'autre. Ils se regardaient, Lilynette avait l'air interrogée, l'Espada gardait un air impassible. Starrk donna une pichenette sur le front de la jeune fille, celle-ci lui cria dessus en lui demandant ce qu'il fait. Il lui dit:

-Je recommencerai, essaye de m'en empêcher, jusqu'à ce que tu y arrives, utilise tout ce que tu as pour m'empêcher d'y arriver.

Le regard de la jeune fille changea, on pouvait lire la lueur de défi, elle voulait lui prouver qu'elle y arriverait. Elle va lui montrer qu'elle peut lui tenir tête, même si c'est loin d'être vrai. Cette méthode est un peu gamine au fond, mais le Primera doit la pousser dans ses derniers retranchements, pour qu'elle sente la force en elle. Ils étaient ensemble, une seule entité, Starrk n'a pas pu prendre l'entièreté de la force à lui tout seul, il en veut pour preuve, si elle était aussi faible, elle n'aurait jamais pu rester si près de lui durant tout ce temps. Elle est forte, mais son pouvoir est encore immature, il espère que l'entrainement pourra lui permettre de tenir tête à n'importe quel ennemi.

Elle se laissa tomber comme une pierre, pour finalement atterrir sur ses pieds. L'Espada la regarde d'en haut. Il la voit renvoyer un cero, toujours aussi lent, mais avec un peu plus de force. Le problème, c'est que la lueur de défi qu'il y avait dans son regard montrait bien qu'elle prenait ça pour un jeu, or ce n'est pas le but de Starrk. Elle devait être sérieuse, avoir peur, savoir réfléchir sur ses faiblesses, et les combler pour devenir forte, plus forte, elle doit se réveiller. Ah, cette Lilynette... Il faut toujours lui montrer les faits. Pour ce faire, Starrk n'évite pas son cero et le reçoit de plein fouet. Lilynette n'est pas paniquée à l'idée de lui avoir fait mal, c'est le Primera, elle ne cesse de lui répéter, il ne peut pas tomber face à un simple cero.

La jeune fille arbora un léger sourire en voyant le nuage de poussière se disperser dans le ciel. Lorsque celui-ci disparu, seule la lune était visible, rien d'autre. Lilynette regarda autour, et lorsqu'elle se tourna, elle reçu une pichenette sur le front de la part de son Espada. La pauvre Arrancar était inquiète pendant quelques secondes, mais elle ne lui avouera jamais bien sûr, au lieu de sauter dans ses bras, elle commença à la marteler de coups. Le Primera évitait chacun d'entre eux, ou les bloquait à mains nues. Il attrapa le bras de Lilynette et l'envoya à nouveau au ciel. La pauvre Fraccion était vraiment malmenée, mais Starrk n'aurait rien fait pour la blesser bien sûr, il voulait juste la bousculer:

- Montre moi ta force!

Lilynette lui renvoya un cero, plus puissant, elle était énervée, elle n'en pouvait plus, celui-là, Starrk a préféré l'éviter. La colonne de reiatsu alla s'écraser contre une dune de sable située derrière l'Espada, la pulvérisant en un nuage de milliards de grains de sable. Starrk ferma les yeux et soupira. Le nuage l'entourait, il l'empêchait de voir à plus d'un mètre et se dissipa lentement, Starrk avait certaines difficultés à respirer, il mit sa main devant la bouche et toussa un peu, avant de sentir une petite pichenette sur son front et de voir sa petite Fraccion qui lui souriait, le genre "je t'ai eu!". Le Primera retira sa main, l'air est à nouveau respirable, puis il tourna la tête en baisant les yeux, ayant un peu honte de ce qu'il vient de se passer.

Lylinette lui donna ensuite un petit coup sur la tête et lui dit:

- Baka, ne baisse pas ta garde, tu es le Primera! Tsss...

Oh non, l'élève n'a pas dépassé le maitre, loin de là, il a bien senti le reiatsu de Lilynette s'approcher, mais il l'a laissé avoir raison, c'est un peu la récompense qu'il lui donne pour avoir réussi. Ses cero sont plus puissants, plus rapides et plus précis, le résultat est plus que satisfaisant. Mais ce n'est pas encore suffisant, elle devra s'entrainer, jusqu'à ce qu'elle n'ait plus de force, sans arrêt. Starrk n'est pas d'une nature cruelle ou quoique ce soit, mais autant aller jusqu'au bout tant qu'il est là, comme ça il n'aura pas besoin de revenir avant quelques temps et pourra se la couler douce dans son lit, à dormir. Il lui dit:

- Bien, on va pouvoir passer à autre chose, tu as vraiment la bonne manière, reste à savoir si tu vas la conserver.

Elle le regarde et lui dit en croisant les bras:

- J'ai toujours eu la bonne technique! C'est toi qui vient tout juste d'ouvrir les yeux et de le reconnaitre, enfin!

Starrk soupira, et se tait comme d'habitude, pour la laisser avoir le dernier mot, parce que mademoiselle a son petit caractère bien trempé et n'accepte pas qu'on la contredise, mais ça il le sait depuis longtemps. Ca ne le dérange pas à vrai dire, parfois elle est juste un peu têtue, mais ça ce n'est pas encore trop grave, elle reprend rapidement son sérieux. Peut-être qu'elle a raison? Elle a toujours eu la bonne technique, elle était juste cachée et Starrk l'a révélée. On ne le saura sans doute jamais. Mais cette petite a beaucoup de potentiel.

Starrk se demande parfois, est-ce qu'elle se rend compte qu'elle est faible? Elle apprend vite, elle a envie de prouver quelque chose, il y a quelque chose qui désire sortir chez elle, montrer qu'elle en a plus qu'on ne le croit, montrer qu'elle est digne du Primera, et qu'elle lui est utile pour augmenter son pouvoir, ça doit être ça.

La Fraccion est censé être le serviteur de l'Espada auquel il est assigné. Il est à son service, mais ce n'est pas le cas de Lilynette. Il n'y a pas ce genre de relation entre les deux, le jour où Lilynette obéira à un ordre de Starrk, il commencera à se demander si la fin du monde approche. Même si c'est dangereux et qu'il lui dit de rester en retrait, elle fera tout le contraire, peut-être doit-il utiliser la psychologie inversée? Non, il ne le fera pas, car étonnamment, cela ne le dérange pas. Les autres Fraccion sont prêtes au sacrifice, car d'un côté s'ils ne le font pas, ils subiront pire si leur Espada le décide, la punition sera rude. Starrk et Lilynette ne sont pas comme ça, ils sont presque frère et soeur, ils se respectent juste assez. Et puis, foncer dans le tas, c'est surement la manière qu'à Lilynette de montrer qu'elle en a dans le ventre et qu'elle est prête à tout pour Starrk. Ce dernier ferait de même à sa place, elle est peut-être plus faible que les autres, mais son caractère l'empêche de se soumettre contrairement aux plus forts, et c'est une qualité en soit.

De plus, les Espada ont leur pouvoir dans leur zanpakuto, Starrk a son pouvoir en Lilynette, elle est sa force, et pourtant elle est faible... Ce n'est pas logique. Lilynette ne se bat pas souvent, et Starrk est fort depuis sa "naissance", elle n'a pas eu souvent l'occasion de s'entrainer, c'est une théorie qui se tient. Starrk a énormément de chance de parler avec son pouvoir... Un zanpakuto habituel est faible aussi, à part trancher et bloquer, il ne peut rien faire d'autre de particulier. Il n'a pas de pouvoir spécifique, mais lorsqu'on le libère, il fait des prodiges au combat. C'est la même chose avec Lilynette, il va devoir lui montrer qu'elle est plus puissante qu'elle ne le croit, qu'elle est née pour trancher le plus dur des diamants, qu'elle peut arrêter la plus féroce des tempêtes, et lorsqu'ils sont réunis, qu'ils deviennent les êtres les plus forts:

- Lilynette...

Dit-il avec un brin de tristesse. L'Arrancar se demande ce qu'il a d'un coup... Starrk se reprend vite, et se dit qu'il est fatigué. Il baille légèrement, se gratte la tête en l'étirant vers l'arrière, il en a fait de trop pour aujourd'hui, mais s'il s'arrête maintenant, il devra recommencer tout plus tard, donc ce serait une perte plus qu'autre chose. Il passe sa main su sa nuque et masse celle-ci, comme quelqu'un qui vient juste de se réveiller. Il baille de nouveau, Lilynette fait la grimace et lui crie encore dessus:

- Comment tu peux être fatigué dans un moment pareil, BAKA?!

Il ouvre les yeux, prend un air surpris, redresse et tourne la tête légèrement. Il regarde la faille qu'il a créé. Il marche vers celle-ci, sans trop d'idée, comme s'il était attiré par quelque chose. Il marche rapidement, ses pas s'enchainent sans hésitation, il ressent quelque chose, un sentiment qu'il n'a pas ressenti depuis longtemps. Il marche le long de la déchirure, en bas on peut apercevoir des centaines de Gillians, ils sont petits vu d'ici, même si leur taille est impressionnante. Il s'arrête, à un point fixe qui n'a jamais été choisis au hasard, suivit de Lilynette. Des hurlements se font entendre du fond du gouffre, des cris de peine. Starrk regarde et il voit... Un Gillian qui dévore un autre hollow. Son masque est différent, il n'a pas d'yeux visibles.

Il regarde, l'air triste, ce spectacle. Ce gillian est intelligent, plus intelligent que les autres, et son reiatsu est impressionnant. Il ne sait pas ce qui l'attend, quelle vie il va avoir, ses relations avec les autres sera-t-il comme eux? Starrk est curieux pour la première fois. Le Gillian les a repérés, il lève la tête et regarde Starrk au loin. Les deux s'observent, puis le Gillian se met en mouvement vers lui, mais il est encore trop loin pour risquer sa vie. Il arrive juste sous Starrk. Celui-ci est penché au dessus du ravin et le regarde en contre-bas. Durant plusieurs minutes les deux se "défient", le Gillian poussa un cri. Est-ce qu'il veut dévorer Starrk parce qu'il a senti son pouvoir? Sent-il qu'il est passé par là? Comment pourrait-il... Bref, ce n'est pas le plus important en fin de compte.

Lilynette était à sa gauche, elle regardait les deux s'observer, sans bouger... Il a eu de la chance de ne pas être mort par le cero tout à l'heure. Starrk ne se souvenait plus de l'époque où il était en bas, il a même l'impression d'être né le jour où il a rencontré Lilynette. En le regardant, il se projette dans le passé, il ne veut pas qu'il souffre comme lui il a souffert, mais qui est-il pour juger de la vie d'un Hollow, il l'a déjà perdu une fois, il mérite de décider quoi faire de sa seconde vie, tout ce que le Primera espère, c'est qu'il trouve un groupe. Il reviendra peut-être le voir un jour. Starrk recule et regarde Lilynette, il la prend par la taille et, via un sonido, se téléporte encore plus loin, jusqu'à un énorme rocher.

Il se tourne vers sa Fraccion, celle-ci prend l'air interrogée et le regarde. Il lui dit:

- Lilynette... Détruis ce rocher. A ton niveau, ce sera assez pour voir si ton cero est au point. Tu n'as droit qu'à un seul coup, concentre toi.

Au point? Son cero est encore au premier stade, mais il a acquis de la maturité lors de cet entrainement. Starrk réussit à lancer un cero au maximum de sa puissance, il peut le lancer de n'importe où, il le maitrise parfaitement, alors il est le mieux placé pour lui apprendre l'art du cero parfait. Il faudra qu'elle s'entraine durant des siècles avant d'arriver à son niveau, mais le temps ne joue pas sur les Arrancars, c'est bien connu. Et puis Lilynette est téméraire, elle ne se morfond pas sur son sort comme un certain Starrk. En se divisant, l'Hollow originel a du transférer son esprit combatif et son courage en Lilynette.

Ce rocher faisait au moins une centaine de mètre de long. Sa surface rugueuse était recouverte de pics dangereux, sa hauteur devait approcher sa largeur, quand à sa profondeur, aucune idée, on ne pouvait rien voir de là où ils étaient. Starrk devenait-il fou? Non, il ne croit pas non plus aux miracles. Il a jugé qu'elle était apte à le faire, elle devrait juste d'avantage se concentrer, c'est une épreuve, certes, mais elle y arrivera. Il ne lui demande pas non plus de le réduire en poussière, juste de le détruire entièrement et du premier coup. Si elle y arrive, elle aura un cero assez puissant pour blesser gravement un ennemi de son niveau, voir d'un niveau supérieur. Le Primera s'éloigne un peu et monte au dessus d'une dune qui se situait un peu plus loin en retrait. Arrivé en haut, il se rend compte qu'il a peut-être un peu surestimé sa Fraccion. Lilynette semblait aussi petite qu'une fourmi au milieu d'un champ. Elle restait là, plantée devant ce bouclier de roche, interrogée, elle se demandait surement comment ce serait possible, comment elle allait faire, arborant une jolie grimace comme elle en a le secret...

Le vent se lève, il crée des vagues sur les vêtements de Starrk, il soulève le sable, créant un voile qui parcourt le désert, il n'y a pas un seul bruit, mis à part le sifflement de l'air dans leurs oreilles. Le Primera est complètement réveillé, comme s'il s'attendait à quelque chose d'important. Il la regarde de loin, du haut de sa dune. Oh, il n'a pas peur d'être blessé, il n'a jamais ressenti cette sensation avec elle, Starrk est bien trop important à ses yeux, même si elle en aurait la force, elle serait incapable de lui faire réellement du mal. Il veut la laisser seule un instant et voir ce qu'elle va faire. Enfin, seule est un bien grand mot, il reste toujours à portée de vue, car il est son envie d'avancer comme elle est sa raison d'exister...

Je n'ai pas compris l'échange qui s'était noué entre Starrk et le Gillian. Car il y en avait bien eu un. A ma grande surprise, le Menos Grande était venu se placer à l'endroit exact où, si haut, l'Espada s'était juché. Pour un peu, j'aurai lâché quelques mots empreints de jalousie. Jalousie pour l'attention que le Primera avait décidé d'accorder à celui-là ? Peut-être, je n'aurai pas pu le certifier clairement. Et puis, je me mis à mon tour à l'observer. Sa silhouette se dessinait imparfaitement dans la mer d'ombres qu'était la forêt des Menos. Je compris alors ce qui avait eu de l'attrait pour Starrk. Pour moi qui était Arrancar, quelque chose de particulier donnait à ce Hollow précis une certaine familiarité. Ce doit être le genre de sentiment que doit éprouver un vétéran lorsqu'il voit une recrue commencer le même parcours que lui. Exactement le même.
Mais ça, ça ne pouvait pas être.
Je décelais alors une tension inexplicable chez mon compagnon. Je lui dédiais un regard en coin. Oui, une interrogation s'était faite à jour au fond de ses yeux clairs. Il débattait en lui-même, mais j'aurai été bien en peine de deviner quel en était le sujet. Puis, satisfait de son examen, l'Espada s'éloigna de la fissure pour m'emporter au loin d'un de ses sonidos.

- Lilynette... Détruis ce rocher. A ton niveau, ce sera assez pour voir si ton cero est au point. Tu n'as droit qu'à un seul coup, concentre toi.

J'opinais de la tête avant de me tourner vers le rocher en question. Je me figeais, incapable de le trouver. Il y avait cette muraille rocheuse, d'accord, mais quel espèce de caillou voulait-il exactement que je désintègre ? Starrk me laissa seule, allant se percher sur une dune plus loin. Je faillis le retenir pour demander des indications lorsque la compréhension me frappa de son poing difficile à accepter. Ca ? Il voulait que je m'en prenne à cette espèce de montagne ? J'envoyais à son dos un regard incrédule. Est-ce que le Primera a définitivement pété une durite, à supporter sa Fraccion préférée ? S'il se prend pour un fou, c'est bien la peine de me brailler dessus pour que j'arrête de le tourmenter !
Certes, Starrk ne hausse que rarement le ton avec moi lorsqu'on est au Hueco Mundo, et ne me taxe qu'encore plus rarement de tourmenteur. En revanche, il semble vraiment avoir perdu la raison. Je ne sais pas ce qui a pu lui passer par la tête pour qu'il me lance ce genre de... d'ultimatum. Car oui, ça ressemble fortement à ça ! Il y a tellement de choses en jeu... Echouer était pénible à accepter. Pourtant, réussir paraissait vraiment impossible. Je ne voyais pas où Starrk voulait en venir.

"Il est déjà venu."

Je me frappais la tempe, me morigénant intérieurement. Tout ce cirque auquel il s'était livré avait pour but de me tester et de m'entraîner, je l'avais deviné. La solution était de mettre en application ce qu'il m'avait montré. Mais... plus facile à dire qu'à faire. Au fond, je n'avais pas l'impression d'avoir appris quelque chose. Il m'avait poussée, forcée à réagir. Il n'y avait pas eu de recette magique ou de technique particulière, de démarche à respecter ! En quelque sorte, Starrk m'avait obligée à m'appliquer, rien de plus.
Envers le Primera, je me retrouvais à disposer de toute une réserve de mauvaise foi très intéressante, qui assez souvent me permettait d'avoir la main haute dans nos... discussions. Mais envers moi-même, cette masse hypocrite disparaissait, ne laissant que le vide béant d'une vérité toute nue. Et la vérité, elle était là : je n'étais pas capable de faire exploser un pareil roc. La crête se hissait sur le paysage comme un roi dans son trône, s'y vautrait même, parfaitement à l'aise et sûre de sa supériorité. Elle déchiquetait l"horizon monotone du Yermo et aurait pu dissimuler Las Noches si le palais s'était retrouvé pris dans son ombre.
Je regardais dans la direction de l'édifice pour vérifier ce que je venais de songer. En fait, non, Las Noches aurait écrasé le rocher, de sa dimension, de sa noirceur intime, de ses proportions supérieures. Mais bon.

Starrk s'était installé plus loin, m'observant. Pensif ? Dubitatif ? Doutait-il de moi, ce traître ? Ou à l'inverse, osait-il croire en moi ? C'était décidément bien compliqué que de réfléchir à lui. Plus je pensais le connaître, plus j'étais sûre de le percer à jour, et plus il me prouvait le contraire lorsque je m'y attendais le moins.

- J'ai mon temps hein ! Puisque tu as décidé de m'embêter soigneusement, lançai-je.

Sans attendre sa réponse - qu'il avait intérêt à ne pas donner - je me mis en tailleur, le menton dans la main, pour regarder boudeusement ma cible. Ce n'était pas une position que j'adoptais pour m'adonner à la réflexion, ce n'était pas mon genre. Ou du moins, pas à une réflexion juste, objective et destinée à apporter une solution construite à un problème donné. Plus un genre de méditation où je cultivais soigneusement tous les griefs que j'avais à envoyer à la face du monde. A commencer, ce monde prenait le nom de Starrk. C'était à cause de lui, tous ces ennuis. Tous ces efforts. Sans blagues !
Le fait de songer à lui, c'était comme m'adresser directement à sa personne, d'une certaine façon. Je retrouvais donc toute ma mauvaise foi et n'avais plus aucun scrupule à formuler mes mensonges. Ils m'aidaient à réfléchir. Lorsqu'on a du mal à accepter une vérité, formuler son contraire devient une méthode pour l'énoncer, par contraste. Affirmer que le Primera était à l'origine de mes malheurs, c'était avouer implicitement qu'il pouvait me demander tout ce qu'il voulait, même l'impossible, parce qu'il incarnait le seul bonheur auquel je voulais prétendre, et que j'étais prête à tout payer pour conserver mes droits sur cette prétendance. Oui, demande-moi de pulvériser ce rocher, Las Noches ou la lune mordue de ce monde en noir et blanc, si c'est le prix que tu exiges pour que je puisse rester à tes côtés !

Très lentement, le reiatsu fit luire ma peau et mes vêtements, comme auparavant lorsque je m'étais efforcée de le mobiliser. Mais cette fois-ci, je ne me mettais pas à arracher l'essence de mon âme pour la dominer ; je me contentais de l'attirer à moi, lentement, d'y puiser comme à une source profondément enterrée et de retenir à la surface tout ce que j'y ramenais. Un halo de pâle émeraude fit reculer certaines ombres et donna naissance à d'autres, repoussant légèrement le sable sous sa douce pression. Je fixais la muraille rocheuse, attentive, tentant de m'immiscer dans cet adversaire improbable par le biais de mon seul regard, pour mieux le saper de l'intérieur. Aujourd'hui c'était elle mon ennemie, et Starrk m'avait demandée de la tuer. Il croyait que je pouvais le faire. Je n'en avais guère rien à foutre, de savoir si c'était possible ou pas. Lui le pensait. Il me connaissait mieux que personne ; si quelqu'un disait vrai à mon sujet, c'était bien cet Espada-là, aux cheveux sombres et aux yeux étincelants. Il aurait pu me dire que je pouvais la briser des dents, je l'aurai fait. Sans doute pas quand il serait là, sacrifiant ainsi l'un des exceptionnels moments où nous n'étions pas ensemble ; mais j'aurai tenté la chose.
Quitte à m'y faire mal. La vraie douleur n'était pas là dans l'hypothèse où Starrk me décevait, mais dans celle où moi je le décevais.


- Regarde bien, Starrk !fis-je entre mes dents. Celle-là, elle est pour toi, et pour personne d'autre.

Je me relevais en grommelant, supportant le fardeau de l'énergie que j'avais accumulée pendant ces instants silencieux. Je brillais comme un feu, et doutais de pouvoir encore contenir tout ceci. Très bientôt, le reiatsu allait se dissiper du fait que j'étais incapable d'en maintenir autant si longtemps entre mes mains. Une étincelle crépita devant mon visage, une seconde avant que le cero ne se forme. Une lance verdoyante se précipita à l'encontre de la muraille, et je m'acharnais à la lancer de toute ma volonté. Elle fila, traversa l'étendue et fracassa la pierre. Le cero fit voler des éclats qui s'égaillèrent partout, creusant dans la roche plus sûrement que l'acier dans la chair. Pour un temps.
Trop rapidement, l'énergie s'épuisa, se volatilisa. Un pan de la crête s'effondra, complètement ébranlé, déchaussé ainsi qu'une dent dans une mâchoire martelée. Il s'abattit misérablement car foudroyé à la base par mon cero. Mais ce n'était qu'une partie de l'obstacle.
Inéquitablement brisée en deux, la masse se dressait toujours, meurtrie mais non vaincue. J'avais échoué.

Je baissais la tête, combattant un flot impétueux d'émotions.


La nuit était tombée une fois de plus dans le désert. Et une fois de plus, une silhouette venait troubler son mutisme. Encore à la même heure, encore au même endroit. Cette silhouette n'était autre qu'un Arrancar - une, plus précisément. Jeune bien qu'elle s'en défendît, car dotée dans sa nature d'un caractère de jeunesse, voire de juvénilité. Colère, d'une évidence criante, car ses gestes avaient tout de la colère quand elle les exécutait. Mais il y avait un peu plus que de la simple colère. Il y avait une foi profonde et sincère. En quoi, le désert n'aurait pas pu le dire.
Ce qui était sûr, c'est que cela faisait trois fois que cette Arrancar s'en prenait, toujours à la même heure, à la même cible. Un tas de roches délabrées, calcinées, comme mises à mort. Qui aurait pu comprendre pourquoi cette petite revenait toujours, nimbée de secret, pour s'acharner à réduire en poussières ce qui était auparavant d'imposants cailloux ignorés de tous... de tous sauf d'elle ? En fait, un seul être pouvait répondre à cette question. Le Primera Espada.

Lui avait tout vu. Chaque fois qu'elle pensait être seule, il l'avait suivie, épiée. Certainement pas par curiosité, non. Plus probablement par fierté. Après tout, cela faisait déjà deux de ces colossaux murs naturels qu'elle pulvérisait. Le troisième n'était pas loin. La crainte de la voir en rester à son premier entraînement avait été légitime. Heureusement, elle s'avérait infondée avec le temps. Il ne serait sans doute plus nécessaire de vérifier, la prochaine fois. Car, on pouvait en être sûr, il y aurait une prochaine fois. La Fraccion avait pris le coup de main de ce que voulait dire le mot entraînement. A défaut de lui plaire, elle s'y était attelée. On ne pouvait guère lui en demander davantage... Satisfait, le Primera repartit pour Las Noches, décidé à passer une bonne sieste.

Citation :

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