La dixième division. Elle en avait rêvé, de cette division, lorsqu'elle était encore à l'école des shinigamis. C'était le capitaine qu'elle admirait. Ce jeune prodige, dont elle avait tant entendu parler. Ne l'ayant jamais vu, elle s'était forgé toute une image de lui. Et puis, elle avait fini par intégrer la dixième division pour de bon, faisant de son rêve une réalité.
Et puis, finalement, Tôshirô Hitsugaya n'était pas... "A la hauteur" de son imagination. Mais elle éprouvait un grand respect pour lui, de même que pour son vice-capitaine, même si Matsumoto était parfois... Exubérante. Mais elle se sentait bien dans cette division, même si son taishô était parti pour quelque mission importante, de quelque nature inconnue d'Itami.
C'est donc dans les quartiers de sa division qu'Itami se trouvait ce matin là, de bonne heure, profitant de la fraîcheur matinale, pour s'entraîner. Après tout, elle avait fait une promesse, tant à elle-même qu'à quelqu'un d'autre. Elle devait devenir plus forte, coûte que coûte. Et elle était résolue à y parvenir.
Elle se trouvait dans la salle d'entraînement. Le silence matinal régnait encore sur le seireitei, l'aube étant à peine là, et les alentours étaient déserts. Elle jeta un coup d'œil circulaire autour d'elle. Bien, confirmation, il n'y avait personne. Tant mieux, elle préférait la solitude. Aimer la présence des gens, quelle idée ridicule. Et puis quoi encore ? Se lier d'amitié avec eux aussi ? Sottises.
Bien, il était temps de s'y mettre. Non seulement ça n'allait pas avancer tout seul, mais en fait elle n'avait pas que ça à faire, malheureusement. Une fois de plus, la journée serait sans doute bien remplie, alors autant commencer, en finir rapidement mais correctement, et attaquer les heures suivantes avec la satisfaction du travail fait.
Elle avait devant elle ces pantins qui servent à l'entraînement. A l'école des shinigamis, dieu sait qu'elle avait dû en dégommer, dieu sait qu'elle les avait détestées, ces choses amorphes, incapables de mouvement si pas spécialement faits pour, pas dignes selon elle qu'on y accorde la moindre attention. Bon, et puis, admettons-les, elle les avait haïs pour une autre raison : ceux destinés au kidô, elle n'avait jamais réussi à en faire de la poussière. Elle avait beau s'être grillé les doigts, les bras, les cheveux, le visage, elle n'était jamais parvenue à ce but. Et, elle le savait, ce n'était pas maintenant que cela allait arriver. Elle avait donc fini par mettre de côté le kidô, le négligeant volontairement, se concentrant sur son katana. Si elle devait progresser dans un domaine, ce serait la maîtrise de son zanpakutô. Son but actuel : le shikai. Elle ne comptait pas rester éternellement un shinigami de bas étage, de seconde zone, avec un zanpakutô sous forme scellée et une technique et une maîtrise bien dérisoires. Après tout, c'était bien pour cela qu'elle s'entraînait. Itami avait des ambitions.
Elle s'approcha d'un de ces stupides mannequins. Ils étaient laids, en plus.
Elle avait envie de le détruire, de le réduire à néant, de le découper en petits morceaux. Cette chose imbécile lui rappelait les humiliations récurrentes lorsque l'un de ses sorts de kidô lui explosait à la figure, au grand damn de ses professeurs. Décidément, son "truc", c'était sa lame.
Elle contemplait le pantin, se sentant un peu bête, ne sachant pas par où commencer. Après tout, ce n'était pas comme si, soudainement, il allait riposter.
-Woh, je fais quoi, moi ? dit-elle à voix haute, non pas pour palier au silence et au vide qui ne l'oppressaient nullement, mais tout à fait inconsciemment. Chose ridicule, lança-t-elle au mannequin, comme s'il avait pu lui répondre.
Tsss, encore trop de paroles pour ne rien dire. Voilà qui ne lui ressemblait pas. Mannequin stupide.
-Pantin débile ! cria-t-elle, s'énervant tout seule.
Elle perdait patience. Elle s'élança vers le pantin, et, d'un large geste du bras, lui ouvrit la poitrine. Enervée, elle le renversa d'un violent coup de pied, puis enfonça brutalement son zanpakutô dans son ventre.
*Et de un de ces stupides machins.*
Se calmant, elle se plaça face au mannequin suivant. C'était stupide de perdre son sang-froid pour un pantin sans conscience. Elle le décapita d'un geste du poignet, mais cela ne s'avéra pas aussi simple pour le suivant. En effet, certains de ces mannequins, bien loin d'être de simples objets immobiles, étaient en mesure de lui en faire voir de toutes les couleurs. Tournant sur eux-mêmes, sur un pied au bout duquel un socle les stabilisait sur le sol, leur vitesse de rotation était plus ou moins rapide. Chacun d'entre eux était armé, et leurs bras articulés pouvaient être placés dans différentes positions, de sorte que, si on les affrontait l'un après l'autre, les enchaînant avec rapidité, on risquait de se prendre un coup, puisque l'on ne savait jamais comment il était placé, et que l'on avait pas le temps d'anticiper la position du katana, en raison de la rotation et de sa propre vitesse.
Le premier tournait à une vitesse raisonnable, et Itami n'eut pas de mal à esquiver sa lame, haut placée, en se baissant rapidement, s'accroupissant de façon à ce que le katana entre les mains du pantin tournant passe juste au dessus de sa tête. Effectivement, il lui frôla le haut du crâne. Elle tendit le bras et ouvrit le pantin en deux au niveau de l'abdomen. La partie supérieure tomba mollement sur le sol, tandis que la moitié inférieure continuait de tourner de façon ridicule sur son socle. Itami se redressa, et bondit au pantin suivant. Celui-ci tournait plus vite, et elle manqua se prendre sa lame dans le bras droit. Elle fit un bond de recul, puis para sa lame qui arrivait sur sa droite, puis, bandant ses muscles, la rejeta brusquement dans le sens contraire à celui de la rotation du pantin. Alors qu'il allait se remettre à tourner dans le bond sens, elle le frappa d'un violent coup de pied, puis, alors qu'il touchait violemment le sol et éclatait en morceaux, décapita le suivant d'un rapide coup de zanpakutô. Comme un pantin se trouvait alors juste dans son dos, elle pivota vivement sur elle-même, puis abattit son zanpakutô. Cependant, cette saleté de mannequin tournait plus vite qu'elle ne le pensait, et sa lame heurta celle du mannequin qui tournoyait librement.
-Mais !
Sans rire, mais il la cherchait ! S'il voulait jouer à ce petit jeu là, il allait la trouver, parole d'Itami ! Ce n'était pas un pantin en bois qui allait se mettre en travers de sa route, tout de même. Non mais, et puis quoi encore ?
Sans aucun égard pour le mécanisme du pauvre mannequin, elle para sa lame tournoyante et maintint fermement la pression, malgré la difficulté. Emporté par son mécanisme de rotation, le pantin tenta de tourner, mais Itami s'y opposa, appuyant toujours sur sa lame. Finalement, il y eut un bruit étrange, et le mannequin explosa littéralement, dans un nuage de fumée qui fit tousser la jeune shinigami, qui effectua un bond en arrière, après s'être pris dans la figure un morceau de bois.
Elle essuya du revers de la manche le filet de sang qui dégoulinait sur son front.
*Saleté !*
Du coup, sa motivation en avait quelque peu souffert également. Se prendre un éclat de bois en plein visage n'est déjà jamais amusant, mais si en plus le morceau en question provient d'un objet que l'on hait de tout son cœur, et contre lequel on aurait aimé s'acharner pour le détruire, alors, comment rester concentré sur son but premier ?
Désormais à nouveau énervée, elle se jeta sur le premier pantin qui lui tomba sous la main, et décida de le réduire en poussière. Mais, emportée par sa colère, elle ne faisait plus preuve de jugement et de rationnalité, ni de précaution, et le katana tourbillonnant lui heurta le bras, l'envoyant rouler au sol, avec le haut du bras méchamment entamé.
Elle resta allongée sur le dos quelques instants, les bras en croix, tentant de calmer sa respiration saccadée. Une fois de plus, elle avait laissé sa rage l'emporter.
*Calme-toi, idiote. N'oublie pas que ce sont des pantins d'entraînement. Si tu te fais égorger par l'un d'entre eux, que t'arrivera-t-il en combat, hein ?*
Songeuse, elle resta par terre. Puis elle se releva lentement, et examina son bras gauche. La manche était déchirée, en lambeaux, et du sang coulait le long de sa peau entamée par le katana. Si ce pantin avait tourné plus vite, il lui aurait déchiqueté la chair, et la catastrophe aurait été inévitable. Pouah, elle l'avait échappé belle, ce n'était déjà pas joli à voir.
*Yare yare... Vois-tu donc tout ce que t'amènent tes sottises ? Fais-moi plaisir, maîtrise-toi enfin. Si tu te fais massacrer en combat à cause de cette colère en toi, tu ne deviendras pas plus forte. Tu finiras au cimetière.*
Bien. Elle n'était pas ici pour paresser. Elle était là pour s'entraîner, pour progresser, devenir meilleure, et ce n'était pas un mannequin qui allait se mettre en travers de son chemin.
Elle se plaça donc face au suivant, avec la ferme intention de le découper en morceaux, mais cette fois, il ne s'agissait que d'une résolution, sans emportement, sans cette colère qu'elle avait momentanément enfouie au fond d'elle-même.
Elle avait volontairement choisi un mannequin tournant rapidement, et elle eut du mal à esquiver sa lame, puis à se glisser au plus près de lui afin d'enfoncer sa lame dans son thorax, jusqu'à la garde. Puis elle descendit verticalement son katana, déchiquetant le mannequin. Les deux moitiés du pantin tombèrent au sol, chacune de leur côté.
Elle choisit de laisser de côté les mannequins spécialement destinés au combat au corps à corps, pour se tourner vers ceux réservés normalement au kidô. Non pas qu'elle allait se risquer à s'entraîner dans ce domaine, elle avait suffisamment mal au bras pour ne pas en plus se brûler les mains en se faisant exploser un kidô entre les doigts, mais la cible qui leur ornait la poitrine constituait en un bon objectif. Planter coûte que coûte le bout de sa lame dans cette cible, après un enchaînement de mouvements à peu près correct, voilà quel était son nouvel objectif.
Elle passa ainsi un moment à enchaîner ces pantins. Elle manqua son coup pour le premier, rata de peu le second, et planta sa lame avec exactitude pour les suivants.
Elle se remit par la suite aux mannequins tournants, et passa plus longtemps à esquiver, frapper, parer, détruire, ravager même certains des pantins.
Cependant, elle était peu fière d'elle-même. Elle pouvait sans doute considérer sa séance d'entraînement comme achevée, mais elle lui laissait un goût amer. Non seulement elle s'était encore emportée stupidement contre ces mannequins innocents mais en plus elle avait le front amoché et le bras entaillé. Elle s'était laissée aller à la colère, alors qu'elle détestait cela. Elle éprouvait de la honte et de la fureur contre elle-même.
*Fort bien. Considérons cet entraînement matinal comme désespérant, raté, exaspérant, et...*
Hum, plus aucun adjectif ne lui venait d'emblée pour le caractériser. Cependant, l'idée était claire et nette.
*La prochaine fois, j'irai directement casser la figure à quelques hollows, ça sera plus efficace et moins frustrant. Ah, tiens, frustrant est le mot qu'il me faut. Catastrophique aussi. Tsss...*
Elle considéra néanmoins ses dégâts d'un coup d'œil attentif. Malgré sa déception, elle avait pulvérisé quelques mannequins, s'acharnant sur eux sans raison. Les autres gisaient également au sol, parfois simplement ouverts en deux, ou arrachés de leur socle. Elle se sentait fatiguée, était essoufflée, et un filet de transpiration lui coulait désagréablement dans le cou. Ses muscles et ses membres étaient endoloris, mais pourtant, elle ne parvenait pas à éprouver de satisfaction. Et puis il y avait cette histoire de kidô qui la désespérait au plus haut point. Elle avait fini par tenter de ne plus penser au fait qu'elle était incapable de réussir un sort de kidô même de faible niveau correctement, mais ne parvenait pas tout à fait à en prendre son parti.
*Voyons, Ita, cesse d'y penser, range ton zanpakutô et fiche le camp, une longue journée t'attend...*
Secouant la terre avec déception, elle remis son katana dans son fourreau, puis, jeta un dernier coup d'œil aux mannequins détruits.
*En un sens, c'est peut-être une chance qu'Hitsugaya taishô ne soit pas là. Je l'aurais sans doute senti passer, ce coup-là.*
Cette fois-ci un sourire aux lèvres, elle quitta la salle d'entraînement, laissant aux prochains utilisateurs le plaisir de ranger son bazar.