Saviez-vous qu'une fourmi pouvait soulever jusqu'entre soixante et cent fois son poids ? Dans l'absolu, cela ne représente que peu de masse; mais à l'échelle, c'est un véritable exploit. Et imaginez l'ampleur des efforts combinés d'une multitude de ces petits êtres à la force colossale dans le monde minuscule, autrement appelé "micro cosmos". Ces petites bestioles s'agitaient, soulevaient ce qui ressemblait à des fragments de viande. Ces fragments étaient réunis par tas, dans une zone où ce qui ressemblait à des filaments de reiatsu vert pomme ondulaient; comme pour former un périmètre de soin, semblable à celui d'Inoue Orihime.
Comme vous vous en doutez, tout cela n'avait rien d'un hasard, puisque les ondulations soignantes planaient autours de la tombe de fortune de Santo Slaagt, l'homme enragé qui avait eu son mot à dire lors de l'arrivée des envahisseurs, quelques temps plus tôt. Il s'était laissé tuer par Akuma, persuadé que sa mission était terminée, et que plus rien ne l'attachait à la vie. Mais visiblement, la Terre n'était pas d'accord avec lui.
Pour toute personne capable de voir les esprits, les fourmis n'étaient cependant que l'élément secondaire de cette scène. En effet, l'âme de l'homme-bête ainsi que celle d'une femme âgée et couverte de cicatrices étaient allongés contre l'arbre de la tombe de Santo. Les deux étaient quasiment immobiles, et suivaient la trajectoire des papillons du regard tout en discutant.
J'ai comme la légère impression que les ressources que je t'avais données il y a deux ans n'étaient pas suffisantes. Dit la vieille femme, d'un ton amusé.
Ouais ... On dirait bien. Et cette fois, j'ai quoi comme armes ?
La vieille femmes fit un geste de la main vers les fourmis, comme si elle leur donnait une instruction. Celles-ci réagirent en accélérant leur ramassage et assemblage.
Hé bien cette fois, disons que je ne me suis pas contentée de te donner la fureur de la Terre, puisqu'elle était visiblement insuffisante pour tenir tête aux âmes qui viennent nous détruire. J'ai donc ajouté à ton être le savoir ainsi que la force de la Terre.
D'où ma maîtrise du langage humain, que je n'avais pas avant.
Exactement. Je t'ai donné de nouveaux pouvoirs, une nouvelle force. Les pouvoirs superflus dont tu avais été doté ne font plus partie de ton attirail désormais. Tu n'auras plus que ton corps, et tes armes. J'ai joint la force ancestrale des animaux et des éléments à la technologie destructrice des humains. S'ils t'analysaient, les humains diraient que tu es le chaînon suivant dans l'évolution de l'homme. En vérité, si on en suit la logique des progrès du corps humain, j'en ai sauté un joli nombre ... Je n'ai pu faire plus, mais espérons que ce soit suffisant.
Santo leva son bras droit sous forme de fantôme, ouvrit et ferma le poing devant lui, puis effectua quelques gestes. Il se mit à sourire devant son constat.
On dirait bien que t'as fait un effort ouais ... Et comment t'as fait tout ça ?
La vieillarde se mit à rire, elle était visiblement surprise par l'adaptation de Santo à sa toute nouvelle conscience et intelligence; mais surtout fière de son exploit.
Ahh, tu es une bien belle oeuvre de création ... Vois-tu, j'ai suivi la structure de l'esprit humain pour ça : en trois pôles que sont le moi, le surmoi, et le ça. Le moi est la conscience, qui te permet de percevoir le monde de façon juste. Le surmoi est le filtre qui sert à faire transiter les messages nerveux entre le corps et l'esprit. Et enfin le ça sont le fin fond des pensées, ou plutôt l'interprétation de l'environnement du corps.
Je vois ... Et donc le "ça", c'est ce que tu m'avais trafiqué pour que je sois une bête sauvage et furieuse.
La femme soupira profondément, en poussant un petit "hmm" empli de regrets, avant de poursuivre
C'est bien ça. Cette fois-ci, tu as assez d'esprit pour comprendre le monde qui t'entoure, et suffisamment de force pour y survivre. Pour ce qui est de la sauvagerie, grâce à ton esprit elle devient maîtrisable. Elle ne se libérera que lorsque toi ou ta mission serez en danger. Mais fais attention, si tu restes trop longtemps sans évacuer ta rage, la frustration sera si grande que lorsque tu la feras sortir, elle déferlera si fort qu'elle submergera ton esprit. Si une telle chose venait à arriver, tu ne distinguerais plus tes amis de te ennemis, et tu perdras la raison.
Je vois, il me faudra donc rester "actif" et vigilant vis-à-vis d'un corps si puissant. Je dois le maintenir en équilibre avec mon esprit pour ne pas redevenir une bête folle.
Malgré tout, tu gardes les capacités du guerrier berzerker lorsque le besoin s'en présente.
Elle claqua des doigts. Cette fois-ci, ce ne furent pas les fourmis, mais les rayons verts qui se mirent à virevolter à toute vitesse autours des fragments. Les fourmis furent réduites en poussière, puis transformées en sorte de pâte organique qui vint s'ajouter aux morceaux de Santo. Ceux-ci se ré-assemblèrent, Pour progressivement former une jambe, puis un bras, puis un tronc, pour arriver à un corps entier. Le corps, bien que reconstitué, demeurait sévèrement endommagé. Les plantes et insectes autours furent tous également réduits en matière organique puis ajouté au corps sur un rayon de cinq mètres. L'arbre sur lequel les deux âmes étaient appuyées était désormais sombre et mort.
Il sera bientôt prêt, il ne lui manque plus qu'une âme. Mais toi, te sens-tu prêt ?
Santo frappa des deux pieds sur le sol avec une force titanesque, faisant trembler la terre dans un grand bruit de fracas. La terre se fissura quelque peu à l'impact.
Plus que jamais, abuela, plus que jamais.
Le fantôme de la vieillarde commença à devenir flou. Elle regarda ses bras d'un air triste, le regardant s'estomper. D'un air plein d'espoirs, mais aussi de regrets, elle se tourna vers Santo.
Ecoute moi, grand chasseur, il faut que tu ne refasses qu'un avec ton corps. Il faut que ton corps éthéré ne fasse qu'un avec ton corps réel, et que ton esprit en prenne la possession. Prends le temps qu'il faudra, mais il faudra que tu réussisses du premier coup ...
La vieillarde disparut dans un nuage de fumée gracieux, qui sentait bon la forêt. Malgré la faune et la flore qui venaient d'être sacrifiés pour reformer le corps de l'homme sauvage, l'atmosphère était agréable grâce à ce parfum. L'esprit de la Terre n'avait décidément pas changé, elle laissait toujours un doux parfum en s'en allant. La vie revint d'ailleurs aussitôt après, réanimant les insectes, et rendant leurs couleurs aux plantes. Les oiseaux se remirent à chanter, et il se sentit bien, comme quelques minutes avant sa dernière rencontre avec Akuma. Akuma, cet ami si gentil, jovial, et innocent semblait s'être fait dominer par le diable qu'il avait au corps. Il lui arriverait probablement la même chose s'il venait à perdre le contrôle de son état berzerker. Il serait sa force, mais aussi sa faiblesse. Contrôler sa fureur serait déjà difficile au quotidien, au combat cela s’avérera bien plus que corsé. Ce sera comme s'il menait deux combats à la fois, un avec son corps contre l'adversaire, et l'autre contre son corps et avec son esprit.
Il s'avança donc vers le corps, dont il aurait besoin plus que jamais. Il était temps qu'il prenne possession de cette immense force, et qu'il défende les intérêts de la Terre comme il se doit. Mais pour ce faire, il devait au moins rejoindre le jeune humain à l'énorme marteau en terme de puissance. Il n'était pas prêt. Le géant Sado, l'archer à lunettes Ishida, et le guerrier Daï étaient encore devant lui, et ce retard était intolérable. Aucun d'entre eux n'avait été envoyé par la Terre elle-même, et aucun d'eux n'en avait reçu autant d'investissement. Toutes les ressources possibles et imaginables, tout ce dont elle disposait, l'esprit de la planète le lui avait remis. Il était génétiquement supérieur à n'importe quel être humain. Là où les esprits étaient forts avec leurs tirs magiques, il serait fort avec le corps parfait, un corps destiné au combat et à la survie en environnement extrêmement hostile. Le corps qui ne se fatigue pas, celui qui court plus vite, frappe plus fort, et résiste aux agressions extérieures.
"Ni le fer ni le feu ne les navraient." Disaient les textes à propos des berzerkers
*Un état de sauvagerie totale ...* Se disait-il.
Il soupira, puis s'allongea dans la même position que le corps sans vie. Il se mit exactement dans la même position, pour s'imprégner des sensations, du sol contre son dos, des herbes chatouillant son cuir chevelu. Puis il commença à donner des ordres à son corps. Les muscles étaient bien plus denses et raides que d'ordinaires, et le nerfs aux aguets. Le corps était parfaitement maniable, la rééducation serait rapide et aisée.
Ni une ni deux, il demanda au corps de bouger un doigt. Il ressentit une sensation : le sang circuler. Il était si content qu'il sourit et s'emballa. Le corps bougea parfaitement. En effet, l'adrénaline libérée lors de cette mini-sensation a relancé les battements du coeur, qui a relancé la circulation du sang ainsi que le fonctionnement des muscles et des nerfs. Toujours tout excité, il ouvrit les yeux, et souriait à pleines dents. Il se releva péniblement, comme pendant une bonne gueule de bois. Il voyait trouble, et la lumière du Soleil lui faisait mal. Les sons étaient assourdis, et certains n'étaient même pas réels. Il avait du mal à garder son équilibre, et les odeurs étaient confuses. Il s'appuya du bras contre l'arbre contre lequel il était allongé plus tôt, et respira lentement pour réguler son rythme cardiaque, et la circulation de son sang.
Sa tension se régula, les sons redevinrent naturels, et sa vue s'ajusta. Soudain, une énorme douleur lui brûla la poitrine. Il venait de regonfler ses poumons comme un nouveau né, et c'était une sensation atroce. Il tomba à genoux, tremblant de douleur. Serrant sa poitrine avec fermeté, grinçant des dents, Santo tentait tant bien que mal de retenir ses larmes et de hurler. Il restait peut-être des envahisseurs isolés, et il était vulnérable. Il serait donc stupide de les attirer. L'homme-bête inspira profondément à nouveau, puis expira lentement. Ça y est, son corps était enfin habitué à cette souffrance, considérait le geste comme normal, et ne le signala plus par des lancements. L'humain s'assit contre le même arbre que depuis le départ, et soupira. Il fallait qu'il reprenne ses esprits progressivement, et en se levant d'un coup il avait voulu brûler les étapes, et en subissait les conséquences.
Le chasseur se concentra sur les sons alentours. La nature était plutôt calme, et seul quelques chants d'oiseaux et bruissement de feuilles sont audibles dans les environs. Mais les envahisseurs savaient se déplacer discrètement. L'odorat n'indiquait que des insectes, des animaux, et des plantes. Enfin, il scruta les environs, mais ne vit rien entre les feuilles, branches, et autres éléments du décor. Assis, Santo se sentait bien. Faisant exécuter de petits gestes à ses bras et ses jambes, il aurait rapidement retrouvé l'usage de son corps. La fatigue l'emporta sur l’enthousiasme, et ses yeux se mirent à peser, tant et si bien qu'ils se fermèrent et que leur détenteur chuta.
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Cette fois-ci, le réveil fut plus doux. Pas de mal de crâne, pas de vue trouble. Le chasseur se releva, s'étira, puis grogna de satisfaction. La journée était belle, il avait beaucoup dormi. La nature semblait de bonne humeur, et ne faisait que d'agréables sons.
Il se remit aussitôt à courir dans la direction du portail, le fameux portail qui lui avait permis d'entrer à la dimension royale, et d'en sortir un peu plus tard, gravement blessé. Afin de mieux se repérer, il chercha l'emplacement exact à l'aide de son odorat. Courant à toute vitesse de ses pas tonitruants, il faisait trop de bruit, il allégea donc le pas, se pencha en avant et cessa de balancer ses bras. Son bras gauche bien plus lourd que le droit de par sa constitution pendait en arrière, alors que le droit était devant et prévenait d'éventuels obstacles surprises.
Toutefois le doute le hantait, il ne connaissait pas encore ses nouveaux pouvoirs, et déplorait de prendre un risque aussi grand. Mais avant toute chose, il devait retrouver ses alliés. Ceux-ci devaient être encore au combat, et ils avaient certainement besoin d'aide. Le vent semblait accompagner chacun de ses mouvements, la terre approuver sa direction, et les cieux l'éclairer. L'harmonie de cette scène en charmerait le spectateur.
Ainsi arriva-t-il face au portail dimensionnel, au pas de course. Sans broncher ni s'arrêter à la vue du passage, il garda son rythme et entra en trombe. Qui sait ce qu'il verrait une fois entré ? Qui savait dire si tous les alliés n'avaient pas tous perdu l'esprit comme Luffy ? Avaient-ils peut-être déjà gagné ? Ou déjà perdu ...
Sans même regarder où il allait il fonça, plus fort que jamais. Cette fois-ci, la Terre s'était armée du mieux qu'elle pouvait, et son arme réclamait du sang. Cette même arme qui autrefois déchirait les envahisseurs à grands coups de chaînes dentées criait aujourd'hui son envie d'atteindre des niveaux extrêmes de violence, afin de châtier comme il se devait et sans la moindre pitié ces satanés envahisseurs.
Sa silhouette se fondit dans la lumière d'un nouveau passage, dont il ignorait cette fois la destination. Le destin racontera l'avenir, car qui sait ce qui attendait le grand chasseur ?
La pluie se mit à tomber sur Terre, comme si celle-ci déplorait son départ, et avait peur pour lui. "Notre mère la Terre", comme on dit. Et on dirait bien que cette mère là n'avait rien de différent des autres. Il était comme son fils et elle avait peur pour lui, et cela, rien ni personne ne pourrait le changer d'une quelconque manière.